Il va falloir payer pour aller aux prud'hommes

Publié le par nidieuxnimaitrenpoitou.over-blog.com

 

Pour lancer une procédure au conseil de prud'hommes, il faudra bientôt débourser 35 euros. Une mesure qui remet en cause la gratuité historique de cette procédure.


Q.G.

La balance de la justice.

 

35 euros. C’est ce qu’il faudra débourser en timbres fiscaux à partir du 1er octobre pour pouvoir engager une procédure aux prud’hommes – juridiction chargée de statuer sur les litiges entre employeurs et salariés. La mesure a été votée le 6 juillet au Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2011 (le texte ici).

L’article 1635 bis Q.-I. précise qu'«une contribution pour l'aide juridique de 35 euros est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative».

Les autres instances étaient déjà payantes mais, historiquement, l’accès aux prud’hommes avait toujours été gratuit. La CGT, dans un communiqué, s’est insurgée contre cette décision. Elle juge que «la volonté du gouvernement de réduire le contentieux prud’homal par tous moyens, et ainsi priver les salariés de la possibilité de faire valoir leurs droits, rejoint la volonté patronale de tout faire pour éviter d’être condamné». Elle souhaite également prouver que «cette mesure est contraire à l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme qui édicte le principe d’égal accès à la justice pour tous»

  Selon le site Capital.fr, «les recettes ainsi générées permettront surtout de financer le coût de la réforme de la garde à vue, estimé à 158 millions d'euros, à cause de l'augmentation des rémunérations versées aux avocats au titre de l'aide juridique».

Pour la syndicaliste Claudy Ménard, dans un numéro Le Droit en Liberté de la CGT, «on ne peut pas se limiter au morceau voyant de l'iceberg», le Conseil des Prud'hommes, «pour les syndicats, c'est tout le contentieux des petites boites en matière électoral qui va sauter.»

Une somme «assez importante»

Pour Maître Géraldine Chabonat, responsable du département droit-social au cabinet Gueguen-Carroll, «la somme à débourser est même assez importante, puisque, pour une procédure au TGI par exemple, elle existait déjà mais de mémoire elle était de 15 euros. Cela peut freiner des personnes qui n’en ont pas les moyens, qui ont un retard de salaire ou qui ne touchent pas encore les Assedic.»

Toutefois, la loi précise que «la contribution pour l'aide juridique n'est pas due par les personnes bénéficiaires de l'aide juridictionnelle» qui «permet, si vous avez de faibles revenus, de bénéficier d'une prise en charge par l'État des honoraires et frais de justice». Sauf que selon Maître Chabonat «il faut attendre quatre ou cinq mois avant de se voir désigner un avocat d’office» ; il y a un dossier à monter avec de nombreux documents, pas forcément évident pour des personnes qui ne maîtrisent pas bien le français par exemple.

Selon un «avis» du député Nouveau centre Francis Vercamer, présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2011, en 2009, il y a eu 224.791 affaires traitées soit une augmentation de 10,58% par rapport à 2008, la rupture du contrat de travail étant le premier motif de recours. Multiplié par 35 euros, cela donne des recettes supplémentaires pour le gouvernement d'environ 7.860.000 euros.

A l’époque, dans ce rapport, Francis Vercamer s'inquiétait déjà de l'accès pour tous à cette procédure. Selon lui, avec la réforme de la carte prud’homale, 34 départements ne comptent plus qu’un seul conseil de prud’hommes, contre 21 auparavant, «or, l’éloignement géographique des juridictions peut conduire les justiciables les plus modestes à ne pas se déplacer pour faire valoir leurs droits, surtout si les sommes en jeu sont faibles par rapport aux dépenses à engager pour se rendre au tribunal».

Avec les 35 euros à payer en plus, pour Maître Chabonat, alors que «la justice prud’homale était l’une des plus accessibles, cela en limite désormais l’accès aux salariés.»

 

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