"La France doit arrêter d'automatiser les amendes"

Publié le par nidieuxnimaitrenpoitou.over-blog.com

 

 

Un automobiliste a disposé tous ses PV sur le pare-prise de son véhicule stationné dans une rue de Lille, le 10 janvier 2007.

Un automobiliste a disposé tous ses PV sur le pare-prise de son véhicule stationné dans une rue de Lille, le 10 janvier

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) vient de condamner la France pour avoir refusé à des automobilistes de contester leurs contraventions, et ce à trois reprises. Les juges condamnent le système de consignation, une somme d'argent à transmettre à l'administration pour avoir le droit de mettre en cause la validité d'une amende, ainsi que l'attitude de certains officiers du ministère public (OMP).

Rémy Josseaume est un des automobilistes qui a eu gain de cause. La cour a estimé qu'il y avait eu "défaillance (...) dans la mise en œuvre de la procédure prévue par la loi", car l'OMP n'a pas répondu à sa réclamation concernant une amende forfaitaire majorée. Avocat et auteur de Contentieux de la circulation routière (Lamy, 2010), il revient sur la décision de la CEDH.

Vous luttez pour le droit à contester les contraventions depuis plusieurs années. Aviez-vous déjà remporté quelques victoires ?

Je mène ce combat depuis 2002, mais j'ai remporté ma première victoire en 2008 lorsque j'ai réussi à faire reconnaître par la cour d'appel de Versailles l'illégalité de certains procès-verbaux (PV) de stationnement émis par les municipalités.

Une conductrice, membre de l'association 40 millions d'automobilistes, dont je suis un des dirigeants, contestait plusieurs dizaines de PV établis à Montigny-le-Bretonneux dans les Yvelines. L'arrêté municipal fondait l'infraction sur le "défaut d'affichage" du ticket horodateur, infraction qui n'était pas mentionnée dans le code de la route.

Le juge a estimé que les PV étaient illégaux, et sa décision a fait jurisprudence : les communes ont dû adapter leur législation.


En 2008, vous saisissez la CEDH. Pourquoi ?


J'ai réussi à faire annuler une bonne centaine de PV au cours des dernières années. Il y a cinq ans, je décide de contester une nouvelle amende et veux comparaître devant le juge. Ma demande a été rejetée cinq fois, illégalement, puisque je remplis les trois conditions nécessaires et suffisantes pour y avoir droit : le PV datait de moins de 45 jours, j'avais fourni la contravention originale et avais motivé ma demande auprès de l'OMP, qui est en fait un commissaire de police. Il est important de noter que le policier n'a pas à juger de la validité ou non de la motivation : vous pouvez dire que vous contestez parce que l'agent de police n'avait pas des gants assez blancs.


L'OMP qui reçoit la réclamation a trois possibilités : soit il abandonne les poursuites, soit il saisit le tribunal, soit il rejette la réclamation. Le problème est qu'il est le supérieur hiérarchique de l'agent qui a établi la contravention. Accepter la réclamation revient à reconnaître que quelqu'un qui dépend de lui a mal fait son travail, donc que lui-même est en faute. Dans ces affaires, les OMP sont juges et parties, si bien que dans l'écrasante majorité des cas, il rejette la réclamation. L'automobiliste paie une amende majorée, perd ses points, et surtout se voit refuser le droit de se défendre. C'est inadmissible !

C'est ce qui m'est arrivé, j'ai alors décidé de saisir la seule instance qui pouvait encore m'aider : la CEDH.


C'est cette négation du droit à se défendre que la CEDH a sanctionné. Quelles sont les conséquences de cette décision ?


Je me suis fait traiter "d'emmerdeur" et de "procédurier", mais la décision de la CEDH est finalement une grande victoire. Le ministère de la justice doit comprendre : si l'administration continue à automatiser les contraventions et les sanctions, je vais automatiser les recours devant la CEDH.

L'administration ferme les yeux sur les agissements illégaux des officiers de police, ce qui est très grave. Quant à la consignation c'est du vol. Le ministère de la justice a pris acte de la décision et a promis des annonces dans la semaine. Je voudrais qu'il demande simplement aux OMP de respecter la loi, ou mieux, qu'ils confient au procureur et pas au commissaire le pouvoir de juger de la validité de la réclamation. Les procédures devraient être moins opaques, pour que les automobilistes puissent exercer leurs droits, et la consignation devrait être supprimée.


leur presse Anne-Gaëlle Rico in le monstre societe 

La France condamnée par la CEDH

La CEDH a donné raison jeudi 8 mars à quatre automobilistes français qui se plaignaient de l'impossibilité pour eux de contester une amende, estimant que l'Etat avait violé leur droit d'accès à un tribunal.

Deux automobilistes, qui avaient été flashés en 2007 et en 2008, et qui contestaient leurs amendes, avaient demandé une exonération à l'administration. Mais leurs demandes avaient été déclarées irrecevables par l'officier du ministère public (OMP) et la consignation qu'ils avaient payée avait été automatiquement considérée comme un paiement de l'amende.

Selon la cour de Strasbourg, l'OMP a rejeté ces requêtes "pour des raisons erronées" et a "excédé ses pouvoirs", qui se limitaient à l'examen de la recevabilité de la demande. Les juges se sont également référés à une décision du Conseil constitutionnel en 2010 qui jugeait qu'après la conversion du paiement de la consignation en paiement de l'amende, "l'impossibilité de saisir la juridiction de proximité d'un recours contre cette décision est incompatible avec le droit à un recours juridictionnel effectif".

La France a également été condamnée dans une troisième affaire du même type. La cour ayant estimé qu'il y avait eu "défaillance (...) dans la mise en œuvre de la procédure prévue par la loi" car l'OMP n'avait pas répondu à la réclamation de deux requérants qui contestaient un avis d'amende forfaitaire majorée (dont Rémy Josseaume).

"Nous prenons acte de ces décisions, a déclaré Bruno Badré, porte-parole du ministère de la justice. Nous les analysons pour en évaluer la portée". Des mesures devraient être annoncées d'ici la fin de la semaine.

Publié dans surveiller et punir

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