Facebook, Copains d’avant: la police est ton amie (?)

Publié le par nidieuxnimaitrenpoitou.over-blog.com


Crédits photo:  A Paris en décembre 2007 (McFlossy / Flickr)

Gendarmes et policiers utilisent parfois les réseaux sociaux sans discernement. La Direction générale de la police nationale a rappelé ses troupes à la prudence, tant sur leur sécurité personnelle que sur les risques d’enfreindre le devoir de réserve.

Sur Copains d’avant, la gendarmerie nationale est le cinquième employeur, avec 2830 inscrits. Avec un compte gratuit, on peut accéder à des données personnelles suffisantes pour identifier un membre des forces de l’ordre, grâce à la ville où il réside ou à l’école où il a étudié.

Au hasard, Henri, 39 ans, gendarme. Ce commandant de brigade bretonne a bien rempli son profil. Photo d’identité où il est parfaitement reconnaissable, toute sa scolarité, du primaire à l’école de police, les postes occupés dans telle ou telle ville, avec la mention des années, jusqu’à aujourd’hui. Grâce à l’onglet “famille”, on apprend qui sont ses cousins et belles-soeurs. Eux aussi ont leur photo.

1297 membres pour le groupe “Ministère de l’Intérieur”, 859 à la Préfecture de police de Paris: le classement par employeurs facilite la navigation sur Copains d’avant bien plus que sur Facebook. En deux secondes on rencontre Dominique, 42 ans, gardien de la paix dans le Pas-de-Calais (la ville est indiquée), qui pose avec femme et enfants sur sa photo de profil. Parmi ses albums, le diaporama complet de l’anniversaire de son fils et de sa fille avec leurs âges et leurs prénoms. Son domicile est également reconnaissable grâce à des photos.

Identité dévoilée : policier traqué

Une note de la Direction générale de la police nationale, “Sensibilisation à la question des réseaux sociaux”, datée du 3 juin et partiellement rendue publique la semaine dernière, s’émeut de ce phénomène et rappelle aux fonctionnaires les règles basiques de prudence. Dans sa version intégrale, récupérée par les Inrocks, la note précise :

“Dans le cadre de sa mission de protection des intérêts nationaux économiques et de souveraineté, la DCRI constate une présence accrue de fonctionnaires et contractuels de la Police Nationale sur la plupart des réseaux sociaux.”

La Direction centrale du renseignement intérieur ne passe donc pas son temps à s’inquiéter des coups de téléphone passés aux journalistes, mais attire également l’attention de la DGPN sur la sécurité des policiers. Citant Twitter, Linkedin, Viadeo, Copains d’avant et Facebook, la note rappelle que “ces nouveaux modes de communication [...] présentent de grandes facilités d’utilisation, mais recèlent aussi des dangers”.

S’ils rentrent trop dans le détail, les policiers s’exposeraient à des menaces ou à des tentatives de vengeance accrues. En dehors des réseaux sociaux, ce risque existe aussi. Les identités et les numéros d’immatriculation de policiers de la BAC ont ainsi été écrits sur les murs, à Grenoble, après le braquage du casino d’Uriage. Les menaces par ce biais et par téléphone ont conduit à la mutation des effectifs concernés.

Poster les photos de ses enfants ou son adresse sur Facebook accroît évidemment le risque. En octobre, dans un but militant, le site Indymedia Lille dévoilait ainsi l’identité de fonctionnaires de la BAC soupçonnés d’entretenir des liens avec l’extrême-droite locale. Un article listait noms, prénoms, captures d’écran de pages Facebook avec statuts, photos et centres d’intérêts.

Liberté d’expression contre devoir de réserve

Ce genre d’événements ne constitue pas la seule inquiétude de la DGPN. Les réseaux sociaux peuvent aussi servir aux policiers et gendarmes à exprimer leur mécontentement devant le malaise social que connaît le métier.

Selon la note, ils risquent de “porter atteinte à l’image et à la réputation de leur auteur, et par extension à l’ensemble de la police nationale”. Elle rappelle les “obligations de discrétion et de confidentialité”, surtout pour les fonctionnaires habilités secret défense, à qui l’utilisation des réseaux sociaux est “fortement déconseillée”.

C’est un point sensible. Tout en appelant à la prudence, le syndicat de gardiens de la paix Alliance rappelle dans un communiqué qu”’il ne saurait être question d’interdire aux policiers d’utiliser ces moyens modernes de communication dont l’intérêt social est certain”. Denis Jacob, secrétaire général administratif du syndicat, estime que “les utiliser est très sain, à condition de ne pas aller trop loin. C’est une façon d’évacuer la pression”. Pour Yannick Danio, du syndicat Unité SGP Police (majoritaire) :

"Que l’administration prévienne des risques est une nécessité. Mais la politique actuelle n’aime pas la contradiction. Les policiers qui osent témoigner à travers Internet, dans des articles de presse ou des bouquins, prennent des risques. Le devoir de réserve est plus restrictif qu’auparavant.”

Il était flic, aujourd’hui il écrit. Des bouquins, et "Le blog de police", qu'il entretient sur Facebook. Ex-policier, Marc Louboutin ne s’inquiète plus de son devoir de réserve mais a toujours un avis sur la question.

“Pour le secret des enquêtes, c’est applicable, même si les responsables syndicaux ou le ministre de l’Intérieur lui-même l’outrepassent régulièrement. Le problème de sécurité sur les réseaux sociaux est réel, mais c’est surtout un prétexte pour museler les policiers qui s’expriment sur la réalité de leur métier et ne sont pas tendres avec la politique actuelle.”

Une formation accrue

Va-t-on Interdire Facebook aux policiers? Pas impossible, pour Marc Louboutin. “Après les grèves de 1968 on a bien obligé tous les gardiens de la paix à avoir un vélo pour pouvoir se rendre au travail en toutes circonstances.

Pour l’instant en tout cas, la tendance semble plutôt aux compléments de formation. La note de la DGPN est claire à ce sujet :

“J’ai demandé à la Direction de la Formation de la Police Nationale et à l’Ecole nationale supérieure de police (ENSP), en liaison étroite avec la DCRI, d’intégrer dans leur programme de formation une sensibilisation consacrée aux réseaux sociaux.”

A l’ENSP, on confesse “une démarche relativement nouvelle” mais des programmes dans les tuyaux. Pour la première fois en décembre, un agent de la DCRI viendra dispenser deux heures de formation aux futurs commissaires sur Facebook, les données à ne pas divulguer sur Internet et les règles de confidentialité. Tant pour les élèves eux-mêmes que pour leur apprendre à conseiller leurs futurs effectifs. “Les commissaires seront responsables des systèmes d’information”, rappelle-t-on à l'ENSP.

A l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), qui forme notamment les policiers en activité, la question a déjà intégré les séminaires. Lors de la dernière session, une semaine avait été consacrée au thème “Sécurité et technologies nouvelles”, abordant la cybercriminalité, la vidéoprotection mais aussi les problèmes de confidentialité

 

lu sur les inrocks

Publié dans surveiller et punir

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